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Entrepreneur : comment structurer efficacement son patrimoine ?

Les dernières années ont plutôt été favorables aux entrepreneurs installés en France. Le gouvernement en place (1) a diminué l’impôt sur les sociétés, (2) a instauré le prélèvement forfaitaire unique, et (3) a supprimé l’impôt sur la fortune (ceci dit un impôt sur le patrimoine immobilier demeure). Dans le détail, la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) s’étale sur plusieurs années. Partant de 33,33 % en 2018 (un des taux les plus élevés d’Europe !), le taux doit descendre à 26,5 % sur l’exercice fiscal 2021, et se stabiliser à 25 % pour l’exercice 2022.

Ensuite, après l’IS, les dividendes que se versent les chefs d’entreprise sont concernés par le PFU. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) est un mode de taxation au taux unique de 30 % sur les revenus du capital. Ce prélèvement se compose des prélèvements sociaux (17,2 %) et d’un taux forfaitaire de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu. En combinant l’IS à 25 % et le PFU à 30 %, pour chaque euro de bénéfice, il restera à l’entrepreneur 52 centimes après impôts (sans compter les impôts de production pesant sur les sociétés). Malheureusement, le PFU n’est pas inscrit dans le marbre

L’instabilité fiscale française

La Fondation Jean-Jaurès, un think tank fondé en 1992 dont les comptes rendus servent de supports d’inspiration au Parti Socialiste, vient de sortir un rapport dont les conclusions ne sont pas rassurantes pour les entrepreneurs. Le rapport suggère notamment l’introduction d’une progressivité de la CSG en fonction du revenu et la fin des avantages successoraux dont bénéficie l’assurance vie. Ces deux mesures toucheraient frontalement les entrepreneurs.

La CSG (contribution sociale généralisée) est l’une des composantes des prélèvements sociaux. Introduire une progressivité de la CSG reviendrait à remettre en cause le prélèvement forfaitaire unique. Une telle mesure exposerait les entrepreneurs et les investisseurs dont les dividendes annuels sont importants (plusieurs centaines de milliers d’euros et davantage) à une forte hausse du taux d’impôt moyen sur les bénéfices distribués.

Les entrepreneurs ayant actuellement des excédents de trésorerie dont ils souhaitent profiter auront donc intérêt à se les verser en dividendes dès 2021, sans quoi il existe un risque que la fiscalité des dividendes s’alourdisse après 2022 en cas d’alternance à la tête de l’État.

La holding

L’autre solution pour éviter de payer trop d’impôts est de structurer son patrimoine, et notamment son patrimoine professionnel, autour d’une holding.

En mettant en place un régime mère-fille entre la société commerciale et la holding, les entrepreneurs peuvent faire remonter des dividendes dans la holding avec un frottement fiscal quasiment nul. La holding peut ensuite investir librement l’argent, comme le ferait

l’entrepreneur en nom propre. Certains entrepreneurs investissent dans l’immobilier, d’autres prennent des participations dans d’autres sociétés, d’autres encore investissent sur les marchés actions, une holding permet tout cela à la fois.

On peut espérer que le régime d’intégration mère-fille ne soit pas remis en cause par une alternance politique. Remettre en cause ce dispositif serait un terrible frein à l’entrepreneuriat. Les holdings sont souvent utilisées pour investir dans l’économie. L’avantage de la holding est que l’entrepreneur peut ventiler comme il le souhaite la part de bénéfices qu’il réinvestit et la part qu’il souhaite se verser via un dividende pour ses projets personnels (vacances, loisirs, etc.). En cas d’augmentation de la CSG, l’entrepreneur pourrait limiter volontairement les versements en dividendes au juste nécessaire, et faire fructifier son argent dans sa holding.

L’assurance vie

Le deuxième point noir du rapport de la fondation Jean-Jaurès est la suppression des avantages successoraux de l’assurance vie. L’assurance vie n’est pas un produit réservé aux entrepreneurs, mais ces derniers disposant de patrimoines souvent importants, et l’assurance vie est un des outils populaires pour optimiser la transmission du capital. En effet, l’assurance vie permet de transmettre jusqu’à 152 500 euros par souscripteur et par bénéficiaire. La seule contrainte est que le souscripteur du contrat doit l’alimenter avant ses 70 ans. Ainsi, un couple avec 2 enfants peut transmettre 610 000 euros hors succession via l’assurance vie. Un montant qui s’additionne avec l’abattement en ligne directe de 100 000 euros par parent et par enfant, soit 400 000 euros dans l’exemple de la famille sus-citée.

Le pacte Dutreil et le démembrement

Si les avantages successoraux de l’assurance vie venaient à disparaître, il y a fort heureusement d’autres dispositifs pour alléger la fiscalité sur l’héritage au moment de la succession. Il existe en France un dispositif permettant de faciliter la transmission des entreprises familiales. Ce dispositif s’appelle le Pacte Dutreil. Il prévoit un abattement de 75 % sur la valeur retenue d’une entreprise pour calculer les droits de succession.

Ce dispositif peut être combiné avec une donation en démembrement. Lors de la donation en démembrement d’une entreprise, l’entrepreneur (généralement les parents) garde l’usufruit (les bénéfices de l’entreprise) et les enfants récupèrent la nue-propriété (la propriété de l’entreprise). Un abattement est appliqué sur la valeur de la nue-propriété, cet abattement est d’autant plus élevé que les parents sont jeunes.

En combinant Pacte Dutreil et donation en démembrement, les entrepreneurs peuvent considérablement alléger le poids des impôts lors de la transmission de leur patrimoine productif.

En structurant son patrimoine au sein d’une holding plutôt qu’en nom propre, les entrepreneurs pourront à la fois se prémunir contre un environnement où la fiscalité des personnes se dégraderait à l’occasion de réformes politiques, mais également optimiser la transmission de leur patrimoine. Reste que les sociétés ne sont pas à l’abri de réformes fiscales. Gageons que cette direction ne soit pas prise. Las d’une instabilité fiscale chronique,

certains entrepreneurs excédés feront le choix de l’exode fiscal. Plusieurs pays frontaliers offrent des conditions avantageuses aux détenteurs de gros patrimoines.